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Un cri s'élève dans l' air

Huile sur toile marouflée sur bois, 96,5 x 66 cm, 2019.

Un cri s'élève dans l'air (def) GRIS-min

« L’œuvre d’art n’est pas un instrument de communication. L’œuvre d’art n’a rien à faire avec la communication. L’œuvre d’art ne contient strictement pas la moindre information. En revanche, il y a une affinité fondamentale entre l’œuvre d’art et l’acte de résistance. Alors là, oui. Elle a quelque chose à faire avec l’information et la communication, oui, à titre d’acte de résistance. Quel est ce rapport mystérieux entre une œuvre d’art et un acte de résistance, alors que les hommes qui résistent n’ont ni le temps ni parfois la culture nécessaire pour avoir le moindre rapport avec l’art, je ne sais pas ? Malraux développe un bon concept philosophique. Malraux dit une chose très simple sur l’art, il dit “c’est la seule chose qui résiste à la mort“. (…)

Tout acte de résistance n’est pas une œuvre d’art, bien que, d’une certaine manière il le soit. Toute œuvre d’art n’est pas un acte de résistance et pourtant, d’une certaine manière, elle l’est. (…)

L’acte de résistance, il me semble, a deux faces : il est humain et c’est aussi l’acte de l’art. Seul l’acte de résistance résiste à la mort, soit sous la forme d’une œuvre d’art, soit sous la forme d’une lutte des hommes.

Et quel rapport y a-t-il entre la lutte des hommes et l’œuvre d’art ?

Le rapport le plus étroit et pour moi le plus mystérieux. Exactement ce que Paul Klee voulait dire quand il disait “ Vous savez, le peuple manque“.

Le peuple manque et en même temps, il ne manque pas.

Il n’y a pas d’œuvre d’art qui ne fasse pas appel à un peuple qui n’existe pas encore ».(1)

Un cri s’élève dans l’air.

« Ce qu’on voit, c’est uniquement la terre déserte, mais cette terre déserte, elle est comme lourde de ce qu’il y a en dessous, et vous me direz “ mais ce qu’il y a en dessous, qu’est-ce qu’on en sait ?“ Et bien, c’est justement ce dont la voix nous parle. Et c’est comme si la terre, là, se gondolait de ce que la voix nous dit, et qui vient prendre place sous la terre, à son heure et en son lieu. Et si la terre et si la voix nous parle de cadavres, c’est toute la lignée des cadavres qui vient prendre place sous la terre, si bien qu’à ce moment là, le moindre frémissement de vent sur la terre déserte, sur l’espace vide que vous avez sous les yeux, le moindre creux dans cette terre, tout cela prend sens ».(2)

Un cri s’élève dans l’air… 

     

Face à face, sans pitié, sans convivialité.

Vivante,

elle est là, incroyablement présente

Sans répit, sans repos aucun,

mais pas sans rythme.

Cri ouvert, sans pudeur,

altérité à fleur de la réalité,

violée dans ce que nous avons ignoré du monde en elle,

et dans ce que nous avons ignoré d’elle.

Entre le clair et l’obscur, avec le ciel et la terre,

là où une ligne d’horizon était encore inscrite,

nous les avons saignés, tranchés. (3)

Têtes décapitées.

Face à face d’une incroyable violence.

Elles sont là, incroyablement présentes.

Peurs, angoisses, regrets ?

Est-ce le trait ou bien le jour qui sur la toile, hésitent ?

La mémoire en peinture – jusqu’où dans nos regards d’aujourd’hui ?

Oubli !

Absence au temps

Silence des sens.

Murs aveugles de la raison suffisante.

Que sommes-nous de ce qui prend forme, et sens, et jour ?

Quel regard posons-nous sur les êtres, les choses, la réalité ?

Altérités sans maquillage, sans masque.

Ecritures dénudées, nuancées, contrastées, ridées, courbées, usées, blessées, vivantes,

les animaux portent aussi en eux les âges de la vie, une histoire.

Ils sont là, incroyablement présents,

le regard fixe, bouches ouvertes ou lèvres serrées,

exposés sur la place de la République.

Là où de nos jours, notre civilisation ne brûle pas le livre mais le vide de son sang,

l’ânesse, sous peu, elle non plus ne criera plus, ne parlera plus.

Ils ne s’étaient pas adaptés,

Ils ne s’étaient pas intégrés,

Ce ne sont pas eux qui ont trahi.

Yvan Chatelain, 2019.

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1 et 2 Extrait de la conférence « Qu’est-ce que l’acte de création ? » donnée dans le cadre des Mardis de la fondation Femis, 17 mai 1987.  Gilles Deleuze.

 

3 À notre époque, un nombre innombrable d’animaux sont condamnés à mort avant même de naître. Lorsqu’ils sont nés, encloisonner où engrillager, privés de rapport à la nature, considérés comme des usines à viande, ces animaux ont, s’ils ne meurent  pas « prématurément » par suffocation, stress, maladie ou désespoir, une espérance de vie ne dépassant pas quarante jours à un ou deux ans selon leur espèce.

Rien que dans un pays comme la France, trois millions d’animaux sont mis à mort chaque jour.
Différentes parties de leur cadavre comme les joues, la langue, les reins, le foie, l’estomac, le ventre, les épaules, les côtes, les cuisses, les ailes, la cervelle, les os, sont ensuite servis et dégustés dans les restaurants et foyers familiaux. Lieux dis conviviaux mais où néanmoins, hommes et femmes m’y ont vivement conseillé de me taire, de ne rien dire et décrire à leurs jeunes enfants de ce que subissent les animaux dans notre société (sous-entendu que ces jeunes humains, eux, sont des être sensibles et que de ce fait, il faudrait mieux que je ne m'avise pas de les blesser et de les perturber en leur disant la vérité).

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