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Reflets

Huile sur toile marouflée sur bois, 42 x 38 cm, 2013.

Nous nous levons le regard habitué,

l’âme amputée du moment du réveil,

de cette minute brève qui nous remet au monde.

Ville insomniaque. Temps en saccades.

Figures croisées, de dos, ce matin 

indifférentes, insensibles,

tellement avortées dans leurs épaules.

Un peu plus loin, au même moment,

plein champs ! L’abeille tombe sous le poison…

pollens contaminés.

Chaque fleur a été programmée pour qu’en elle

la nature finisse.

Le vivant casse comme du verre. La vie

s’effondre, se désintègre en grains de poussière

sans mémoire, atones.

Les mots sont frappés de stérilité.

La terre commence et finit sous nos yeux, à cette heure

sans scrupule.

Par manque d’amour, nous n’aimons que nous-mêmes.

Nous annulons la métamorphose, nous annulons

le souvenir conscient de ses blessures.

Angle mort.

J’habite un monde méconnaissable :

la communication défigure le sens ;

le paysage se répand en cimetières – vies barrées !

Avant, le temps,

c’était avril sur les branches – cette heure-là !

c’était mai dans le pourpre des feuilles d’un hêtre –

lumière montante jusqu’au solstice d’été !

c’était les baies rouges du sorbier quand vient l’automne,

leur reflet qui inonde – jusqu’aux contours des nuages.

Aujourd’hui, le temps,

c’est un jour comme un autre.

Règne de l’eau polluée. Manque d’imagination

qui nous frappe et nous laisse impuissants.

Le savoir récité de derrière une vitre,

où tout rentre dans l’ordre... quel ordre ?

où tout rentre dans l’ordre... toujours.

Nous restons là, spectateurs

de la vie, de la mort, sans même s’apercevoir

qu’entre les vivants et les morts

la paroi est devenue poreuse.

Par moment, la gorge se serre et trouve

le poids de l’angoisse

laissé par un autre.

Natanaële Chatelain. Un ordre sans vie.

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