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LA TRANSPARENCE EN HÉRITAGE.

Huile sur toile. 136 x 162 cm. 2019.

Cadre en tilleul massif et acier, (bois patiné au noir d’os calciné). 161 x 187 x 7 cm. 2019.

En chemin, j’ai enterré l’espoir qui parait-il fait vivre.
J’ai enterré l’indifférence et avec elle, les projections d’oubli aussi fardées de mépris pour la terre que le mutisme forcené de la publicité.
J’ai enterré tous les lampions, guirlandes, enluminures et fonds d’écran qui simulent une fête et l’enchantement d’une révolution en marche.
J’ai enterré les accords sur fond de désaccords ; les gestions de compromis, toutes les formes de manipulations du pouvoir qui marchandent l’idée d’un progrès dont nous connaissons fort bien la destination.
J’ai enterré les gestes, les paroles, les prières qui, répétés de génération en génération, laissent transparaître les dérives des religions de pouvoir qui utilisent l’idée de dieu à des fins de contrôle, d’asservissement, réduisant la question du spirituel à une chose sénile, figée dans le temps, incapable de mûrir, de réfléchir, de faire face à ce qui a été engendré.
J’ai enterré les obédiences néolibérales¹ , leurs réseaux sociaux et les sociétés de contrôle qui virtualisent la réflexion, tendent le bras droit en avant, dressent le pouce vers le haut ou l’inclinent vers le bas, comme jadis les romains pouvaient le faire dans les arènes. Et là où devant les pouces levés ou baissés, il n’est plus besoin d’argumenter une réflexion, une position… quand « liker » ou « ne pas liker » deviennent des signes suffisants de reconnaissance… j’ai aussi enterré le mot démocratie. J’ai enterré la puissance qui gouverne la démocratie et la fausse. Une
puissance qui, semblable au pouvoir qu’a l’argent – ne nommant pas, ne portant pas attention à la qualité des choses et des êtres – parvient à faire devenir semblable chaque élément qu’elle soumet et régit !
J’ai enterré l’artiste que, paraît-il, tout le monde est. Celui-là même qui sans n’avoir plus aucun métier, aucun savoir-faire, aucune position – ni lien avec la terre, les plantes, les animaux, les pierres – s’octroie ce titre par mimétisme sentimental.

Même si, à présent, il peut vous apparaître qu’il ne me reste plus grand-chose, sachez que dans ce dédale de rues commerçantes, d’églises, de mosquées, d’open space, d’hypermarchés, de start-up et de réseaux sociaux qui s’étendent autour du cimetière en place, j’ai aussi regardé les reflets qui se meuvent sur les murs transparents du pouvoir et les « croyances » qui soutiennent ces murs.

La transparence a deux faces. De quel côté vous situez-vous ?
Tâchez d’en débattre en votre for intérieur, ne serait-ce qu’à l’attention des générations qui vont succéder à notre trône.

Yvan Chatelain

¹ Je joins ici un texte de Pierre Bourdieu, (paru dans le monde diplomatique en mars 1998) en pdf téléchargeable :

 

 

C’est un portrait lucide de ce qui est agissant depuis plusieurs décennies.
Les personnes qui le lieront pourront faire le lien entre l’adhérence ou les arrangements et conciliations des gouvernements précédents à celui de Macron qui, comme indiqué dans son programme, poursuit l’édification du néolibéralisme qui ravage encore un peu plus la France et la planète.
Si la peinture et la sculpture y agonisent aussi au milieu de musées et « fondations d’art » de pacotille, d’un tourisme de masse armé de ses lobbys, médias et gadgets (sorte de décoration surajoutée au consumérisme de l’oubli), ce pavé dans la mare rafraichira peut-être la mémoire et la pensée de certains.

L’ARRÊT DE MORT.

 

Quelque chose me revient en mémoire, 

vu sans le savoir... l’ombre projetée d’une absence,

une tache.

Et maintenant, cette tache grandit dans l’œil.

Ça me rattrape. C’est plus fort que moi.

La tache s’est mêlée à l’air, à l’eau, au goût des choses.

Elle force la main, elle force le regard.

Engrenage où change la teinte des pensées.

« Ce n’est qu’un jeu », dit la voix.

Mais, moi, je ne joue pas. Ce sera ma seule arme. 

Mon arme têtue.

La tache contamine maintenant le rythme, la vision, les mots.

Le mal progresse. Tout doit être utile       

jusqu’à plus de sève, jusqu’à plus de sens :

on fait un feu de paille de millénaire de savoir-faire.

 

L’oiseau s’est fracassé contre la transparence de notre époque.

Il meurt sur les branches enduites de glue.

Sa mort grandit comme la tache sur les poumons, dans les os.

J’ai plié le malheur en mille morceaux dans ma poche,

je le tiens serré contre la cuisse.

La peur se met à parler : flèche bernée de toute part.

La peur ne dort pas. Elle pense.

 

Dans mes cellules habite ma mémoire et celle des siècles.

Je suis pétrie d’espace temps, de larmes versées en silence,

d’éclats de vie pour humecter le sensible.

La lucidité est ma grotte.

Ce n’est pas le vieux monde qui me regarde.

C’est plus irréversible... plus frontal :

nostalgie d’un futur, de quelque chose qui n’existera plus

et aussi qui ne viendra pas au monde.

Le regard des vaches porte en lui le flanc de cette absence,

son battement de cœur vide.

Non-lieu d’existences à venir.

Non-lieu qui dévore l’intelligence de l’étrange étranger.

La tache s’est mise à peindre. C’est cette peinture 

que je voudrais restituer – dernier témoin.

 

Natanële Chatelain

TUMEUR

 

Blocs statiques de ciel bleu pendant des mois

sans une goutte de pluie. 

L’air fane dans les rues. 

Pile : liberté privée, privatisée.

Face : chaque parcelle de soi livrée en pâture.

Ici, chacun mâchonne sa vie pour endormir le vif.

Ici, on fait taire les pensées.

 

Le chaos déborde son ombre de chair.

Je vois ce qui nous voit.

Les mots, la terre, les bêtes, sont vendus à bon marché.

On engloutit des cadavres par milliers ;

il n’y en a jamais assez.

Abattoirs – abats du vivant : 

gorge, cœur, ventre.

Les cils battent sous une lumière froide /

l’œil voudrait toucher des réponses /

trou dans l’os du front.

La marque du singulier est arrachée comme une dernière peau.

Ne reste que la sueur,

un voile de sueur posé sur les choses et le paysage vide.

Tumeur. 

Tu se meurt... 

partout, tout le temps.

 

Natanaële Chatelain.

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